Haïti chérie ?
J’écoutais ce matin, sur France Inter, un reportage à propos d’Haïti. A cause de l’extrême violence qui y sévit, violence toujours imputable à des bandes criminelles, cela ne donne pas envie d’y aller ni, encore moins, d’y vivre. Le pire est que la police et les autorités laissent faire, quand elles ne sont pas carrément complices. J’ai été frappé par le fait qu’on signalait, parmi ces gangs, la présence d’anciens policiers. J’en ai connu un, Guy PHILIPPE. Pendant deux ans, il fut mon élève à l’école supérieure des officiers de police de Pusuquí, près de Quito (1994-1996). Le grand trafiquant de drogues qu’il est devenu par la suite vient malheureusement ternir le souvenir que j’ai conservé de l’excellent élève qu’il était. Par des dépêches de presse, j’ai appris qu’il avait été finalement arrêté, le jeudi 5 janvier 2017, par le Bureau de Lutte contre le Trafic de Stupéfiants (BLTS), et qu’un avion de la DEA avait procédé à son extradition vers les États-Unis. Avant cela, il avait eu le temps d’être élu sénateur de la République d’Haïti, pour le Département de la Grande Anse, lors de l’élection du 20 novembre 2016. Son immunité parlementaire ne l’a manifestement pas sauvé de la prison.
Parler de Guy PHILIPPE me rappelle un autre Haïtien célèbre, Jean-Bertrand ARISTIDE. Alors qu’il était président en exercice, c’est précisément Guy PHILIPPE qui l’avait fait tomber, à la suite d’un coup d’état, en février 2004. ARISTIDE avait trouvé alors refuge en République Centrafricaine. A son arrivée à l’aéroport de Bangui en mars 2004, c’est mon ami Parfait MBAY, ministre des transports, qui fut chargé de l’accueillir. Parfait MBAY me dit qu’il se souvient, comme si c’était hier, de l’avion américain, tout blanc, sans aucune inscription et avec tous les volets des hublots fermés, qui l’avait convoyé à bon port. ARISTIDE sera logé dans une résidence située à M’Baïki. Trouvant sûrement la localité peu animée, il demandera finalement à être reçu en Afrique du Sud. Lorsque je suis arrivé moi-même en Centrafrique en août 2004, il venait tout juste de repartir.
C’est là un curieux retour de l’Histoire. Déjà en septembre 1991, à la suite d’un précédent coup d’état, alors que je me trouvais moi-même en poste à l’ambassade de France à Caracas, l’ambassadeur André-Jean LIBOUREL (1) avait dû procéder à son exfiltration d’Haïti grâce à un avion militaire fourni par le président vénézuélien Carlos Andrés Perez. ARISTIDE avait été hébergé à la résidence de l’ambassadeur pendant quelques jours avant que les autorités vénézuéliennes ne mettent une villa à sa disposition. Cependant, après les véhémentes protestations de l’opposition qui le jugeait comme un hôte particulièrement encombrant et coûteux, il fut contraint de trouver rapidement un autre pays d’exil.
Plaisir, 5 janvier 2020
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(1) Après avoir été successivement en poste au Venezuela, en Colombie, en Lettonie et au Cambodge, il est décédé en France, le 25 octobre 2017, à l’âge de 74 ans.