La Havane et ses Palestiniens

 

La Havane et ses Palestiniens

 

     Hier, à 16 heures, j’avais une réunion d’auteurs chez Edilivre, dans la Plaine Saint-Denis. Pour des raisons que je n’ai pas encore eu le temps d’élucider (1), la Citroën C4 n’a pas voulu démarrer lorsque j’ai voulu la sortir du garage. Je suis donc parti avec notre fourgon Renault Trafic. Coincé dans les bouchons du retour – sur le périphérique dès la Porte de la Chapelle, puis sur l’autoroute de l’ouest dès la sortie Porte d’Auteuil -, j’ai pris mon mal en patience en écoutant, sur la radio du véhicule, l’émission « Un jour dans le monde » de Fabienne Sintes diffusée par France Inter. Et voici ce que j’ai appris dans la rubrique « Le bruit du monde  » :

     Les Cubains, qui ne sont pas nés à La Havane, sont désormais soumis à une sorte de visa intérieur pour pouvoir y résider. On les appelle « les Palestiniens ». A l’expiration de ce visa de six mois, ils sont considérés comme des migrants illégaux et déportés en train dans leurs provinces d’origine. Ceci ne les empêche pas pour autant de revenir. Ils s’entassent alors dans les bidonvilles de banlieue où ils détournent l’électricité des alentours et vivent sans eau courante. Les Van Van ont d’ailleurs sorti un tube à ce sujet : « La Havana no aguanta más » , ce qui signifie « La Havane n’en peut plus ».

     En effet, selon l’Office national des statistiques de Cuba, depuis les années 1990 jusqu’à aujourd’hui, La Havane serait passée de 1 million à 2,1 millions d’habitants. Du fait de cette explosion démographique, les services publics ne suivent plus. C’est la raison que le régime invoque pour justifier une politique aussi ubuesque : celle d’être étranger dans son propre pays. Le contrevenant interpellé par la police reçoit une amende de deux cents pesos et, au bout de trois amendes, il est purement et simplement déporté. Une autre justification fournie par les autorités : tout citoyen reçoit de l’Etat, par le biais de la libreta (2), des produits alimentaires rationnés. L’octroi de la libreta étant lié à un domicile, le migrant ne percevra pas la ration à laquelle il peut prétendre s’il se déplace dans une autre ville. Pour l’Etat, c’est une façon de savoir combien de personnes il faut assister par jour. Seule solution : Si un « Palestinien » se marie avec une Havanaise, il peut rester dans la capitale.

     On croit rêver devant une violation aussi flagrante des droits de l’homme. On peut surtout rire quand on sait que le slogan de La Havane, qui fête ses 500 ans (2), est  : « La Havane, la capitale de tous les Cubains ! »

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(1) Le véhicule n’ayant pratiquement pas roulé depuis le départ de Soad pour Khartoum le 27 décembre, la batterie était tout simplement à plat !

(2) Mise en place par Fidel Castro en 1963, la libreta est un carnet d’approvisionnement distribué dans tous les foyers cubains. Elle permet d’obtenir les produits de première nécessité, gratuitement ou à des prix bas, dans des magasins d’Etat appelés bodegas.

(3) La Havane a été fondée en 1519 par les Espagnols.