Lutte ouvrière
Ouvrier, mon ami, tu peux dormir tranquille :
Je connais braves gens qui luttent pour toi !
Des gens qui pour toi acceptent de tout sacrifier :
Loisirs, vie professionnelle, famille, amis ;
Bref, tout ce à quoi toi-même tu aspires,
Tout cela même que tu voudrais avoir
Et que cette fichue société ne t’accorde pas.
De ces personnes qui mènent ton bon combat,
Il y en a une qui est bien chère à mon cœur
Car elle est femme que j’aime, que j’aime vraiment.
Et je le lui ai dit, tu sais, ouvrier mon ami
Je le lui ai dit, simplement, comme tu l’aurais fait
Avec des mots justes qui parlent au cœur.
Seulement, son cœur n’était plus pour moi ;
Ton sort le préoccupait déjà, presque tout entier.
Et pour la petite place qui restait, le mien,
Eminemment bourgeois, aurait été trop à l’étroit.
Je le lui ai dit, tu sais, ouvrier mon ami,
Aussi simplement que toi-même l’aurais fait.
Mais, vois-tu, cela n’a rien changé. Sans hésiter,
Elle m’a quitté, me laissant seul avec mon désespoir,
Mais avec l’espoir de changer ta triste condition.
Et l’autre nuit, quand tu étais au chaud avec Simone,
Elle, elle faisait du stop sur la route de Calais !
En s’informant des moyens de gagner ta juste cause,
Elle avait juste oublié que tes petits copains de la SNCF
N’allaient pas rouler toute la nuit pour ses beaux yeux.
C’est ainsi qu’elle a raté le dernier train pour Dunkerque
Où moi je l’attendais, misérable, sous la pluie.
Et dire que tu étais bien au chaud avec Simone…
Tu as raison de dormir tranquille, ouvrier mon ami :
Je connais braves gens qui luttent pour toi !
Mais, cette nuit-là, ouvrier mon ami, je t’ai vomi !
Dunkerque, 9 septembre 1977