Questions de foi

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8 septembre 2018     

Pour mes amis et voisins de Pont-Croix, ce gospel auquel me fait penser le message reçu ce matin de Valérie. Nous aurions laissé, en partant lundi, une lampe allumée dans notre maison bleue.

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    J’y vois comme un acte manqué, moi dont la foi vacille un peu depuis le décès de ma mère en novembre 2016. J’ai fini par réaliser que, durant plus d’un demi-siècle où j’ai été un catholique pratiquant, ma foi, c’était elle en vérité ; c’était elle dans la vie, et non dans la mort. Mais je continuerai à aimer, jusqu’à ma propre mort, le silence des églises et la beauté des cantiques.

Voici le refrain du beau cantique de Jean-Claude Gianadda :

Tiens ma lampe allumée, la flamme est si fragile,
Ce soir je viens mendier ton pain, ton eau, ton huile.
Tiens ma lampe allumée jusqu’à ton domicile,
Toi seul peux me guider.

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Jocelyn (1) : Bienvenu au club !

« Moi, qui n’ai aucune foi, j’essaie d’être un athée fidèle. Et ce que j’appelle la fidélité, par différence avec la foi, ce n’est pas une croyance en Dieu. C’est un sentiment d’appartenance, de filiation, avec les siècles passés qui ont fait de notre civilisation ce qu’elle est ».

(Je cite André Comte-Sponville)

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Evelyne : Merci Raoul ! En communion avec tes paroles.

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Gérard :

Cher Raoul,

     La base de ma foi : la petite Thérèse de Lisieux qui a dit : « Dieu est amour ». Et elle a été proclamée docteur de l’Église. Je ne connais pas Dieu et je ne me l’imagine pas. Mais je revois les regards des êtres qui m’ont donné de l’amour alors que je ne le méritais pas. Entre autres, M-A, ma mère, mon père, mes grand-mères, chacun et chacune avec leurs limites. Je me dis que dans leurs yeux, il y a eu une étincelle divine.

     Et Jésus, c’est un type qui a été condamné à mort pour blasphème par les autorités religieuses et pour subversion par les autorités civiles. Quand on a ces états de service, on ne peut pas être tout à fait mauvais. Et puis, il nous a pondu le « Notre Père ». Un texte génial : en quelques phrases, tout est dit. Enfin, il a annoncé son but : unir toute l’humanité. Vaste programme loin d’être réalisé. Mais c’est une boussole qui nous indique dans quel sens il faut agir.

      Quant aux rites de l’Église catholique, apostolique et romaine, je vais à la messe tous les dimanches. J’y trouve des gens bienveillants, plutôt âgés, comme moi, et des cérémonies bien réglées. Les homélies me rentrent par une oreille et sortent par l’autre. L’Église m’a apporté le Christ tout en le trahissant gaillardement. Je lui suis fidèle tout en m’émerveillant de voir hors d’elle des gens plus proches que moi de l’Évangile. Dommage qu’ils ne le sachent pas. Il faudrait de vraies communautés chrétiennes. Mais je ne vois pas dans quelle communauté je pourrais m’intégrer avec ma sensibilité anarchiste et rabelaisienne et une foi décoincée par l’Évangile selon Saint Coluche et « les Aventures de Dieu » de Cavanna.

Vive le Christ, nom de Dieu !

Amitiés – Gérard

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9 septembre 2017

Ma sœur Anne,

     Pour te montrer à quel point mon malaise est profond, lorsque j’écris que « certains représentants de la communauté béninoise ont tenu à apporter leur touche d’exotisme en organisant des cérémonies vaudou », je me demande aujourd’hui de quel droit je me permets de juger leur contribution. Et si c’étaient eux qui étaient dans l’authenticité en respectant des rites tout aussi vieux, voire plus anciens, que ceux qui ont fait la grandeur de l’église catholique ?

     Léopold Sédar Senghor écrivait : « Nous sommes des métis culturels parce que, si nous pensons en nègres, nous nous exprimons en français » . Le nègre que je suis se découvre aussi métis religieux, avec des apports qui sont plus le fait d’une acculturation que d’une réelle appropriation. Mes parents m’ont baptisé en me donnant le prénom de Raoul. Mon arrière-grand-père, le roi Béhanzin du Dahomey, combattant farouche des Français, aurait sûrement estimé que c’était là une trahison majeure.

     Soad m’a fait lire durant ces vacances un livre qu’elle a emprunté à la bibliothèque municipale de Pont-Croix. Il s’intitule « L’hibiscus pourpre  » et il est de Chimamanda NGOZI ADICHIE, une jeune auteure nigériane née en 1977. Je t’en recommande à mon tour la lecture, car il illustre parfaitement le drame religieux que peuvent vivre les produits de la colonisation que nous sommes et continuons souvent d’être, à nos corps défendants.

Grosses bises,

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Anne :

Mon frère,

     Je suis passée par le même cheminement que toi à propos de la foi. Ma foi, c’était papa. Une de ses dernières messes, c’était la communion de Marie en juin 2001.

     J’ai préparé sa messe d’enterrement en essayant d’y mettre tout ce que je croyais de lui, en même temps que de ma foi de l’époque.

     Pendant des années, je ne suis allée à la messe que pour des occasions conventionnelles et sociales. Depuis, ma foi est moins rituelle, moins observante des messes et rythmes religieux ; mais elle semble bourgeonner.

     En fait, c’est depuis que je suis au Canada que je ressens de nouveau un manque de pratique et de discussion de fond, dans ce pays si profondément athée maintenant. Mais il est difficile de trouver une communauté …. que je ne cherche pas (encore) avec ardeur je dois dire. Et je ne me sentais pas bien à la Celle St Cloud, trop traditionaliste et simpliste pour moi.

     Par contre, j’affirme clairement ma foi restaurée vis-à-vis de JY par exemple, lui qui est tout à fait agnostique et sarcastique à propos des cathos, voire indigné de la complicité de l’Église dans l’esclavage et la colonisation.

     Heureux les simples d’esprit, écris-tu : c’est bien vrai….

     J’aime aussi cette fausse béatitude : Heureux les fêlés, ils laissent passer la Lumière… J’y vois un lien direct avec les cassures de ma vie qui m’ont laissé des cicatrices indélébiles et parfois encore douloureuses… avant que je les remplisse d’or comme ton dernier message FB, cet or qu’est sans doute la foi.

     Je vais une semaine en Martinique demain, et j’essaierai de trouver le livre que tu cites. Je lis avec plaisir un vieux livre, le dictionnaire amoureux de la Bible par D. Recoin, qui me plaît beaucoup et me fait réfléchir sur cette foi en moi ou pas.

Tendresses et baisers sororaux à Soad et toi.

Anne

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Ma chère Anne,

   Merci de partager tes impressions sur la foi avec moi. Elles me confortent dans ma quête actuelle de sens, même s’il n’y a pas péril en la demeure : la vie continue !

    Pour parler d’un sujet moins conflictuel, tu m’as confié dans ton message précédent avoir rencontré au Canada un certain Okambawa qui se targuait, lui aussi, de descendre du roi Béhanzin. Compte tenu du nombre d’épouses dont jouissaient les monarques du temps (jusqu’à ceux d’aujourd’hui encore), il est bien évident que, dans le Bénin actuel, des milliers de citoyens peuvent se réclamer de la même filiation, en plus ou moins droite ligne. Ceci étant, le patronyme d’Okambawa ne m’est pas inconnu, comme en témoigne mon livret de catholicité dont je te communique les premières pages. Mon parrain de baptême est Jérôme Okambawa et ma marraine Lucie Féliho, son épouse.

De grosses bises et bon séjour en Martinique avec JY.

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10 septembre 2017 

Chère Ève,

     Avec l’âge, je réalise que, dans cette vie où chacun trace sa route, la quête éperdue est toujours celle du bonheur. Pour certains, la religion est un moyen commode d’y arriver, même si le bonheur promis se situe dans un au-delà que je trouve aujourd’hui bien hypothétique. En définitive, pendant toutes ces décennies où j’ai été un catholique pratiquant, je l’ai été sous le regard bienveillant de ma mère. C’était comme une manière de lui plaire lorsque j’étais enfant ; c’est devenu une manière de rester en osmose avec elle lorsque, une fois adulte, je suis parti vivre au loin. Le dimanche, lorsque j’allais à la messe, je savais que c’était les mêmes textes liturgiques qui nous inspiraient et qui allaient illuminer notre semaine alors que nous étions séparés par des milliers de kilomètres. Lorsque je prenais l’hostie, c’était réellement « en communion » avec elle car j’étais certain que, pour rien au monde, elle n’aurait failli à ce geste sacré. Avec son départ, le sacré a perdu un peu de son mystère et beaucoup de sa magie. C’est pour cela que j’ai écrit dans un post que le jour où je suis devenu grand, c’est le jour où j’ai perdu ma mère (in www.feliho.fr/ Menu/ Mes posts/ 69-Devenu grand).

Avec toute mon amitié,

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Ève :

     Je viens de lire ce post que je n’avais pas vu passer à l’époque. Je partage tout à fait ce que tu dis. Ou plutôt je m’y retrouve si tu m’y autorises.

     Comme je te l’ai déjà dit, les indiens disent que nous naissons deux fois : le jour où nous sortons du ventre de notre mère et le jour où elle meurt. Nous faisons presque tous cette expérience de la double naissance, à un âge variable pour chacun. C’est aussi une expérience très personnelle, car cette deuxième naissance apporte à chacun de nous quelque chose de différent.

     Mon père était juif à l’époque où il a épousé ma mère, soit en février 1966 ; il tenait à ce que ses futurs enfants soient juifs. Ma mère était catholique, élevée quelques années chez les bonnes sœurs. Elle avait vu le mariage avec mon père comme un bon moyen de sortir du cercle infernal de sa famille et du sentiment de culpabilité que l’église catholique faisait encore peser sur les femmes à l’époque. Elle avait 18 ans quand elle s’est mariée, et à peine 19 quand elle m’a eue. Je te laisse imaginer l’immaturité dont elle a fait preuve à l’époque. Elle avait même accepté de se convertir au judaïsme, ce dont un rabbin l’avait dissuadée, la religion juive ne pouvant se transmettre que par la mère. Je n’ai aucun souvenir d’autres pratiques religieuses dans ma famille paternelle hormis les immenses tablées où l’on s’empiffrait lors du Grand Pardon.

     La quête spirituelle de mon père l’a ensuite mené, dès 1969, vers le bouddhisme zen façon Ozawa et la macrobiotique. Ma mère avait suivi. Mes parents se sont séparés en février 1973 et, à partir de là, notre éloignement des pratiques religieuses a été encore plus marqué, notre père se contentant de nous donner chaque année la date du Grand Pardon. Lui-même entre temps s’était tourné vers d’autres philosophies, tout d’abord l’anthroposophie de Rudolf Steiner, puis le protestantisme façon cathare. Il pratiquait dans un groupe protestant du côté d’Alès et nous parlait tous les week-ends de la culpabilité de l’homme qui, quoi qu’il fasse, n’a aucune chance de s’approcher de Dieu tellement il est impur. Il vivait sa vie, avec sa seconde épouse complètement schizophrène, comme la punition qu’il devait endurer pour avoir quitté ma mère avec trois enfants en bas âge.

     Pendant longtemps, j’ai cru seule, si je puis dire. En tout cas, sans le secours d’une assemblée. Je m’étais bien essayée quelques mois, quand j’étais étudiante, à un groupe de prière et de réflexion sur la Parole, mais je n’étais pas restée très longtemps. Je n’avais pas eu d’exemple de foi pratiquée et pratiquante et l’analyse que je m’étais forgée des « religions » était qu’elles étaient des constructions humaines forgées par des hommes pour le pouvoir des hommes (et j’entends bien là homme au sens d’être humain de sexe masculin). Mais je croyais en un Dieu unique, bon, bienveillant, tolérant avec les travers de sa création, mais qui observe de loin ce que nous faisons sans s’en mêler. Par ailleurs, ayant lu des textes religieux comme la Bible et le Coran, ma foi allait pour beaucoup à l’encontre de ce que je croyais et de ce que je voyais des églises « officielles » : paix, amour, pauvreté, charité, tolérance… ne sont pas vraiment ce que l’on garde de plus marquant des traces laissées par les religions dans l’histoire. Durant tout ce temps, mes seuls contacts avec les religions l’ont été lors de cérémonies (un mariage ou deux, une bonne série d’enterrements) que j’ai toujours trouvées très émouvantes. Ma mère, qui n’avait pas mis les pieds dans une église en dehors de ces cérémonies depuis qu’elle avait quitté le couvent en juin 1965 a, au moment où elle a pleinement réalisé qu’elle allait mourir en septembre 1993, pris contact avec le curé de la paroisse de Lasalle en Cévennes. Elle a émis le vœu d’avoir une cérémonie religieuse œcuménique. Il n’y a donc pas eu de messe, mais une succession d’homélies et de textes dits par des représentants des quatre religions (catholicisme, protestantisme, judaïsme et islam). Il y a eu autour de sa mort une espèce d’émerveillement populaire, tout le monde parlant d’elle comme d’une sainte. Et tout le monde ayant oublié ce qu’elle avait été en réalité (dure, violente, jalouse) et tout le mal qu’elle avait fait aussi. J’en ai passablement voulu à mon beau-père, qui avait beaucoup souffert durant leur vie commune, de la magnifier ainsi au moment de sa mort.

     Il y a deux ans que je me suis mise à fréquenter, de manière un peu régulière, l’église de ma ville. Si je regarde encore très froidement la liturgie (et notamment tout ce qui entoure l’eucharistie, car mon esprit rationnel l’emporte sur mon esprit spirituel), je trouve un grand réconfort dans les textes sacrés et l’interprétation des cantiques. Je ne suis pas toujours d’accord avec l’analyse que fait le prêtre avec les textes du jour et, souvent, j’aimerais en débattre plus longuement avec lui. Mais cela m’apporte la paix, la sérénité et m’a permis d’accepter ce que je suis et ce que je vis en arrêtant de culpabiliser à tout crin. J’ai enfin accepté, notamment à travers ma relation à Dieu, que je ne peux pas tout maîtriser et que, s’il y a une part de liberté dans les choix que j’ai faits dans ma vie, il y a aussi une part du choix ou de la liberté des autres. Et il y a aussi une part de Dieu, du destin ou du hasard, quel que soit le nom qu’on veut lui donner.

     Aujourd’hui, si j’envisage le baptême, c’est parce que l’appartenance à une famille choisie devient importante pour moi.

Bises

E.

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11 septembre 2017

Cher Jean-Pierre,

    Je réponds à ton message sur la communion des saints en te joignant ce post qui figure sur mon site (www.feliho.fr/ Menu/posts/ 13-Mes morts). A sa lecture, tu comprendras aisément que mon problème actuel ne concerne pas ma simple foi, mais principalement sa mise en pratique, le fait de la vivre au jour le jour. Cela me renvoie à une discussion que j’avais eue avec le Père Louis Corvest, précisément sur la crise de la foi. J’en ai fait un post, le 8 décembre 2012, que je te communique également (www.feliho.fr/ Menu/ Mes posts/ 35-Lili m’a dit).

   En Afrique noire, il est coutume de parler de syncrétisme religieux pour qualifier la manière dont les autochtones ont su, apparemment avec bonheur, marier les dogmes chrétiens à leurs croyances traditionnelles. Cela n’a pas été mon cheminement. Mais, aujourd’hui, je m’interroge sur la valeur de toutes ces pratiques, qu’elles soient « païennes » (et je ne porte aucun jugement de valeur en utilisant ce terme) ou chrétiennes. Même s’il peut y avoir des passerelles, je constate simplement que ce sont deux réalités bien différentes. Seulement, mon histoire, que je ne peux renier et qui n’est pas la tienne, Breton de souche fermement ancré dans la foi de ses ancêtres (Da feiz on Tadou koz), fait que j’appartiens à ces deux réalités. Tu pourras en trouver quelques exemples dans les textes que je produis à la suite :

– « Viatique » , le poème de Birago Diop (www.feliho.fr/ Menu/ Mes emprunts/ -41) que tout bon écolier africain de mon temps se devait de connaître par cœur ;

– « Protégé » , mon post qui traite de mon enfance au Dahomey (in www.feliho.fr/ menu/ Mes posts/ -49) ;

– « Enfants d’Abomey 1 » , toujours sur mon enfance au Dahomey (in www.feliho.fr/ Menu/ Mes posts / -53) ;

    Le 26 novembre 2016, la veille du décès de ma mère, sans savoir pourquoi par conséquent, je publiais sur mon site ce beau poème sur la mort qu’on récite souvent à l’occasion des funérailles (in www.feliho.fr/ Menu/ Mes emprunts/ 27-La mort). Je l’avais illustré par une photo de mon jeune frère Gilles prise devant la tombe de notre père dans le cimetière d’Abomey, le 19 novembre 2016. Ce jour correspondait à l’enterrement de notre cousine Joyce Féliho dans ce même cimetière, alors qu’elle était décédée à Sevran (93270) quelques jours auparavant. Ce 19 novembre 2016 coïncidait également avec le 29ème anniversaire du décès de notre père Jean Féliho. Parce que cette date était chargée de significations fortes, j’avais appelé ma mère à Dakar pour converser un peu avec elle. Nous avons bien sûr évoqué la mémoire de mon père ; nous avons surtout déploré la mort de cette cousine, médecin de son état, fauchée par un cancer inexorable à l’âge de 41 ans. Ce fut mon dernier entretien avec ma mère.

     Alors, la communion des saints ? Je veux ardemment y croire. Le seul hic est que, aujourd’hui, je ne me retrouve plus dans toutes ces pratiques religieuses qui prétendent m’y conduire, à moins de choisir d’adopter résolument la foi du charbonnier de Brassens, celui-là « qui est heureux comme un pape et con comme un panier ».

Amitiés,

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Marie-Alix :

Cher Raoul

Philippe me communique tes mails, avec tes questions en quête de sens.

Oui, dans ce monde vitesse grand V, que de questions !

Très touchée par l’impact qu’a eu ta maman sur toi, je réalise que je n’en ai pas eu avec la mienne lorsqu’elle était vivante. Mais je crois fort qu’elle a été un relais auprès de Dieu tout au long de ma vie.

Cette foi reçue en son temps a évolué en un attachement au Christ qui est Amour comme le dit un de tes copains. Et notre vie en a été un témoignage. Je t’envoie l’homélie de notre fils, le Frère Benoît, dans un second mail. Beaucoup de gens en ont apprécié la réalité et la profondeur.

Nous préparons le pélé-rosaire à Lourdes avec les Dominicains.

Nous vous embrassons tous deux.

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Bernard : 

Mon cher Raoul,

Il y a plusieurs années, nous avons vécu à Noirmoutier le rassemblement des divers lieux de culte de l’île. Chaque ancienne paroisse s’appelle maintenant « relais ». Je trouve ce terme peu avantageux. Je lui préfère celui « d’église ». Cela ne change rien sur le fond, bien sûr.

Vas-tu prendre des responsabilités dans cette nouvelle organisation ?

Bises à tous deux.

Bernard

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Mon cher Bernard,

     Déjà depuis l’an dernier, j’avais cessé d’aller à la messe à Pont-Croix : elle n’y était plus célébrée que les samedis soirs du fait de la réorganisation des paroisses. N’étant pas handicapé, je m’arrangeais pour aller en voiture dans une des églises voisines (Mahalon, Beuzec, Confort-Meilars, etc), toutes situées à 5 km environ, où il y avait, par rotation, messe le dimanche.

     Depuis la mort de ma mère, c’est avec la pratique religieuse elle-même que j’ai pris du recul. Je ne remets pas en cause la sincérité de mes coreligionnaires dans leur démarche chrétienne. Mais, lorsque je me livre à l’analyse, à la lumière des obsèques de celle dont j’avais toujours admiré la ferveur, j’y vois aujourd’hui plus de bondieuseries que de foi véritable. Et je ne parle même pas du besoin que certains ont de briller, convaincus de leur importance et manquant ainsi de l’humilité la plus élémentaire.

     Je te dirai donc que, pour l’instant, j’ai choisi de me mettre en sommeil : plus d’animations de messe, plus de chorales, plus de réunions d’équipes liturgiques, plus de récitations de chapelet, plus de pardons, etc … bref, tout ce qui constituait ma vie de chrétien d’avant. S’il m’arrive encore d’aller à l’office, c’est de façon inopinée, dans une paroisse qui n’est pas la mienne et où je ne cours pas le désagrément que chacun me tombe dessus, sollicitant de moi des explications, comme si j’avais des comptes à rendre. C’est ainsi que durant ce mois d’août, j’ai aimé conduire le Père Gautier (92 ans) dans ces petites églises de Touraine proches du domicile de sa sœur où il allait dire, en semaine, sa messe de bon matin. Au milieu de la petite dizaine de fidèles rassemblés, je me sentais à ma place : celle d’un anonyme venu juste se recueillir.

Amitiés,

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30 mars 2018

Une pensée pour toi en ce week-end pascal, chère Claire « Marie-Madeleine » !

J’ai vu hier le film qui est sorti cette semaine sur cette compagne du Christ. En tâchant d’être le plus ouvert possible, je suis sorti de la salle de ciné avec le sentiment d’avoir assisté à un beau conte : le mystère de la résurrection de notre Sauveur n’opère plus chez moi !

Pour en revenir au personnage même de Marie-Madeleine, le bandeau final du film précise qu’elle a été longtemps considérée par l’Église comme une prostituée (décision du Pape Grégoire le Grand à la fin du VIème siècle) avant d’être reconnue comme la première des apôtres… en 2016 ! Il paraîtrait qu’il y aurait eu confusion entre trois Marie-Madeleine : la femme de mauvaise vie du banquet chez Simon et la riche héritière de Béthanie, sœur de Lazare, l’ami défunt que le Christ a fait revivre ; les deux premières auraient lavé les pieds du Christ avec leurs cheveux ; puis il y aurait eu une troisième, la femme-apôtre de Magdala, celle qui a tout quitté pour suivre le Christ dès qu’elle l’a entendu prêcher. Un chat n’y retrouverait pas ses petits…

Grosses bises,

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Claire : 

Effectivement, c’est compliqué comme histoires… Peut-être devrais-je relire les évangiles apocryphes qui racontent différemment la vie de Jésus.

Pour la notion de Foi, je suis un peu dans la même démarche. Entre l’organisation du pouvoir de l’église et le message christique, je garde certaines paroles comme les béatitudes. L’idée d’une vie après la mort m’intrigue ; mais je ne crois plus en tout ce folklore, même si je suis allée à la célébration des Rameaux et du Jeudi Saint. J’irai encore cet après-midi au culte œcuménique et demain à la veillée pascale, tout en me demandant jusqu’où j’appartiens à cette communauté.

Pour Marie-Madeleine, qu’est-ce donc une femme de mauvaise vie ? C’est bien comme ça que j’ai ressenti l’opinion de beaucoup me concernant dans ma jeunesse. Je ne me faisais pourtant pas payer (!). Et il y avait beaucoup d’innocence pendant trop longtemps dans ma vision des relations amoureuses et sexuelles.

Il était temps que l’église reconnaisse qu’une femme pouvait être apôtre. Pour le reste, sexisme et machisme sont de vieilles coutumes…

« Pardonnez-leur ils ne savent pas ce qu’ils font » …

Si j’arrive à une certaine sérénité, à défaut de conviction, de foi en la résurrection, cela reste un bel espoir.

Bon séjour breton et bises à partager.

Claire

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Yves :

Que dire sur le mystère qui n’opère plus en toi ? Prêcher serait inapproprié, j’en suis sûr.

Je connais maintenant ton vécu et je respecte ta conduite. Mais tu ne m’empêcheras pas de prier pour toi.

Hauts les cœurs !

Triple accolade

Y-L

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 Xavier :

C’est quand même bizarre, cet acharnement sur les chrétiens concernant le sexe, la pédophilie, les violences conjugales, etc. Dès qu’il s’agit de l’islam, des blagues, on en trouve beaucoup moins sur le « NET ». Peut-être qu’on n’ose pas ? Je ne parle que de l’islam, bien sûr.

Parce que chez les Israélites … (je ne dis pas « JUIF »… parce que ÇA, déjà, ça révèle une connotation péjorative !!!!!)… ÇA n’existe pas, bien sûr !

Tout ÇA, ce soir, finit par m’énerver.

Pourquoi ?

Parce je suis fatigué, comme CHRÉTIEN, de tendre la fameuse « joue gauche ».

Parce que, ce soir, je suis de mauvaise humeur… sans doute.

Parce que, ce soir, je suis de mauvais humour, certainement.

Parce que ce soir, le fameux « second degré » ne passe pas… !!!

Bref !!! J’en ai marre de tout ÇA !!!

Mais tu restes mon ami !!!;-). – Bonsoir Raoul ! :-* :-*

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Mon cher Xavier,

En ce qui me concerne, je ne pratique pas d’autocensure. Comme Pierre Desproges, j’ai seulement tendance à penser que l’on peut rire de tout… mais pas avec n’importe qui. Ce que je t’envoie ne fait donc jamais l’objet d’une diffusion générale. Rien que pour l’exemple, parmi les paroissiens de Pont-Croix, je n’aurais sûrement pas adressé la pièce que tu incrimines à M.Q., à JP.G. ou, encore moins, à son épouse MB. Ceci étant, je puis t’assurer que les blagues les plus salaces que j’ai eu à entendre sur la religion catholique me viennent d’un ami prêtre décédé depuis plusieurs années déjà (2). C’est lui qui m’a marié le 2 août 1976 en l’église Notre-Dame-des-Champs à Paris et qui a baptisé chacun de mes enfants : Christopher, à Roubaix, en 1978 ; Terence, à Créteil, en 1985. À chaque fois, connaissant mon engagement de chrétien, il n’a pas hésité à répondre positivement à ma requête et à faire le déplacement. Ce prêtre, c’était André Verny, le frère de René Verny, l’homme qui m’a élevé à partir de 1963, après la séparation de mes parents.
J’ai publié la pièce ci-dessous hier sur ma page Facebook. Cela fait-il de moi illico un croisé contre l’islam, quand on sait que le père de Soad était musulman et que les deux filles issues de son premier mariage pratiquent la même religion, cinq prières quotidiennes et jeûne compris ? Par conséquent, ce n’est pas parce que j’ai choisi de prendre mes distances avec les choses de l’Église depuis le décès de ma mère que je suis devenu, du jour au lendemain, un pourfendeur d’hostie et un bouffeur de curé. Mais, soucieux de l’adage qui dit que là où il y a de la gêne il n’y a pas de plaisir, j’éviterai désormais de t’importuner avec mes frivolités.

Bonne journée.. .

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Xavier : Point de fâcherie sur le sujet, Raoul !

J’étais de vraie mauvaise humeur hier soir, et pour d’autres raisons en plus !

Tu me connais suffisamment pour savoir que mon ouverture d’esprit est plutôt encline à ce genre de taquineries. J’ai bien compris ta réponse aussi, rassure-toi !

Réponse qui me renvoie sur une chaise de sérénité alors que je me suis dirigé d’une manière malsaine vers une chaire d’éclats de prétention.

Merci pour ta compréhension !

Tout à toi.

Xavier

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3 septembre 2018 

 Chère Mélanie,

   En vieillissant, j’ai la même opinion des religions du Livre, s’agissant spécifiquement du christianisme et de l’islam : elles ont été imposées à l’homme africain, au détriment de ses propres croyances. Ma grand-mère maternelle, animiste, a sollicité le baptême durant la messe de Noël de l’année 1970 ; elle allait sur ses 65 ans. Par le plus grand des hasards, j’étais présent en la circonstance, en la cathédrale de Porto-Novo. Aujourd’hui, lorsque je réfléchis à sa démarche, à l’instar de bon nombre d’Africains, c’était sûrement pour paraître plus évoluée car, au fond d’elle-même, elle est restée ce qu’elle a toujours été : une pratiquante inconditionnelle du culte vaudou, la vraie religion des Dahoméens devenus aujourd’hui des Béninois par un autre artifice historique.

      La solution serait un retour à l’authenticité. Mais il est dur de changer des habitudes qui ont été les nôtres depuis l’époque de la colonisation, sans parler de celle de l’esclavage. L’homme africain est peut-être devenu politiquement indépendant à l’aube des années 60 ; mais il demeure un être assujetti de par le modèle de développement et de pensée qui lui est insidieusement imposé par l’Occident.

    Pour répondre à ta question, en ce qui concerne la pratique de la religion, j’ai au moins réussi à tirer ma révérence depuis la mort de ma mère et, crois-le bien, cela me fait un bien fou. Il me reste encore à travailler sur le reste. Aurai-je seulement le temps ?

Avec ma fidèle amitié,

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 Mélanie :

Merci beaucoup, Raoul.

J’espère que nous pourrons nous voir pour discuter, surtout que je viens d’une société avec des traditions très différentes.

« Faites du commerce et pas la guerre ! »

A bientôt.

Mélanie

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Xavier :

Ce que j’en pense ?

« Hé bien ! J’vais vous l’dire ! »(Copyright SARKO!)

Je crois en un seul Dieu (avec une majuscule).

Je crois en un seul Dieu nous enseignant tolérance, amour du prochain, service des autres.

Je suis tombé dans la marmite du catholicisme quand j’étais petit.

Je n’ai donc pas à reboire la potion alors que le besoin s’en ferait ressentir. Si-si !

J’ai ton âge, Raoul. Là où toi tu aurais une tendance au recul, j’ai la démarche contraire.

Te l’expliquer ?

Non, je ne saurais pas.

Cela relève du ressenti.

Rassure-toi : je me sens très bien dans ma peau.

Et peut-être de plus en plus.

Inexplicable, j’te dis !

À te revoir, mon ami, avec toujours le même plaisir.

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Claire :  

Cher Raoul,

Plus j’avance en âge, plus je suis d’accord avec toi. Mais Africains ou pas, colonisés ou non, il semble que les humains ont besoin de se raccrocher à « autre chose » ; les animistes aussi. Et beaucoup de rites se sont mélangés au fur et à mesure des conquêtes entre des peuples plus ou moins voisins.

Pour moi, le fond du problème est dans la contradiction entre toutes ces prétentions à la paix et la fraternité et la pratique dictatoriale des uns et des autres (y compris par l’ostracisme ou l’empoisonnement, ou encore les sacrifices humains, même de nos jours) entre le soi-disant modèle moral et la pratique des prêcheurs eux-mêmes.

La paix seulement !

Claire

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Yves :   

Mon Très Cher et Bien-Aimé Frère,

Merci pour l’amitié que tu me fais en me demandant ce que je pense de ton envoi.

Tout d’abord j’ai bien aimé « Faites du commerce, pas la guerre ! » encore que les guerres commerciales soient bien présentes dans notre monde consumériste ! Mais, bon passons.

Connaissant ton vécu, concernant ta pratique religieuse, je dirais que tu es réfractaire au clergé.  Pas à la foi ! Mais de quelle foi s’agit-il ?

Fort est de reconnaître que les missionnaires de tous crins ont pêché par excès.

Bien entendu, la Bible comme le Coran exhortent au prosélytisme. Comment ne pas vouloir que ses contemporains soient sauvés par la foi ? C’est un service à leur rendre (du point de vue d’un pratiquant). Mais c’est bien méconnaître la théologie, ou plus exactement, c’est s’en dédouaner.

Concernant les Religions du Livre :

– Bien entendu, le Christ (avec l’aide l’Esprit Saint) a envoyé ses disciples prêcher «en langues».

– Bien entendu, Mahomet a retransmis les commandements d’Allah pour convertir le Monde.

– Il n’y a bien que les Juifs qui ne fassent pas de prosélytisme.

Alors, sous couvert du soutien qu’apporte le recrutement, voulu ou forcé, des nouveaux catéchumènes (et Dieu sait qu’il est aisé de contraindre par la peur, à savoir l’esclavage), on induit un comportementalisme qui DOIT obéir à la loi du plus fort.

J’ai à ce propos une expérience antillaise. J’ai été étonné en Martinique par la ferveur des fidèles lors des cultes (au Temple comme à l’Église), mais encore plus par la double pratique du christianisme et du vaudou ou autre religion animiste.

Oui, le retour à l’authenticité est à mon avis LA solution. En réalité, ce serait la liberté du choix du culte, sans le recours à la superstition ou à des actes plus ou moins sacrilèges. À ce propos, voir le comportement d’un Foucauld… Mais oui, il y a eu de bons moines !

Et bien entendu, l’Occident use de la religion pour imposer un modèle de pensée. Sauf que la croyance musulmane prend largement le pas sur le christianisme. L’Islam est la religion qui a le plus de pratiquants.

Quoi qu’il en soit, je pense que si le nombre de fidèles «PRATIQUANTS» tend à diminuer doucement chez les Cathos, (restant à peu près stable chez les Protestants), il augmente de façon importante chez les Musulmans. Et là, il ne s’agit plus de rigoler, car « Mort aux roumis, quels qu’ils soient ! L’infidèle doit disparaître ! ».

Alors là, nous sommes loin de nos propres penchants «pro ou anti» religieux : c’est une autre dimension. Et, malheureusement, le commerce n’y changera rien !

J’ai dit ??-?

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Soad : 

Mélanie préconise de faire du commerce plutôt que la guerre. Mais c’est précisément cette activité qui dans le passé, au temps des conquêtes coloniales, a précédé les conflits armés.

Le schéma classique se déroulait en trois étapes : arrivée des commerçants, puis des missionnaires et enfin des soldats.

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                                                      Plaisir, 29 septembre 2018


Edwige: Ah frérot, tu reviens à tes anciennes amours ?

Raoul : Ma sœur, entends-moi bien : je n’ai jamais dit que je reniais ma religion ! Mon problème d’aujourd’hui n’est pas une question de foi, mais de pratique. Je n’ai plus envie de faire « communauté », je n’ai plus envie de faire « église ». Je te rappelle que le mot « église » vient du latin ecclesia, issu du grec ekklesia (ἐκκλησία), qui signifie assemblée. Cela ne m’empêche pas pour autant, de façon tout à fait anonyme, d’entrer dans une église pour me recueillir, ni même de participer à une célébration. J’étais, ce 17 novembre, à la messe célébrée par l’évêque en la cathédrale de Norwich, tout comme j’ai suivi les cérémonies de la Semaine Sainte en la cathédrale de Sydney en avril dernier. Je t’ai transmis une communication d’un ami et voisin de Pont-Croix où il apparaît que le curé du secteur paroissial de Douarnenez, dont dépend notre village, vient de quitter les ordres par amour d’une femme. Nous avions vu le « saint » homme diriger la célébration du 15 août en la Collégiale de Pont-Croix cet été. Pour une fois, j’y étais retourné parce que nous hébergions des visiteurs de Plaisir qui tenaient absolument à voir cet élément du folklore local. Pour la circonstance, ce curé avait même invité un de ses condisciples de séminaire qui a été nommé depuis curé de la cathédrale de Rennes. Femme, quand tu nous tiens…

Edwige : Je te taquinais. J’ai compris : la foi est une démarche personnelle. Moi, je participe à la « communauté du dimanche » qui m’apporte encore un plus. Cela me suffit. J’aurais aimé discuter de temps à autre avec un prêtre. Mais les religieux d’ici sont « si occupés » qu’ils délèguent leurs charges aux laïcs pompeusement appelés « ministres du Christ ». Bon dimanche.

De Cotonou à Plaisir, 8 décembre 2019


(1) Jocelyn Leveneur, né le 30 septembre 1956 à Saint-Denis (la Réunion), est mort dans cette même ville le 10 septembre 2019.

(2) André Verny, né le 1er septembre 1923 à Paris 16ème, est mort le 13 juillet 1991 à Villardonnel (Aude).