Jean Rouch

Photo : première expédition au pays des Dogons au Mali (1950) 

 

 

 

 

 

Bonjour Raoul,

     Je partage avec toi cette approche et je te conseille en plus de voir si ce n’est déjà fait « Cocorico monsieur poulet » du même Jean Rouch. C’est un monument de bonne humeur et une ode à la débroullardise des Africains. En plus, pour les amoureux de la 2CV, c’est un très grand moment de cinéma. A voir++
Amitiés
Raymond Bercion

Date: Tue, 23 Feb 2010 23:03:58 +0100
Subject: Afrique : l’aventure Jean Rouch, antidote à La Ferme célébrités

Ceux qui ne l’ont pas, achetez-le ; ceux qui l’ont, regardez-le !

Afrique : l’aventure Jean Rouch, antidote à La Ferme célébrités

Jean Rouch n’a cessé de filmer et de revenir, encore et toujours, à l’Afrique. La preuve par l’image, avec un coffret DVD où figurent plus de dix films, courts et longs, tournés au Niger et au Mali par le « griot blanc ».
Un document salvateur à l’heure de « La ferme célébrités » et du revival de la « Télé banania ».

Au Niger, sa seconde patrie
En 1947, Jean Rouch descend en pirogue les 4 000 km du fleuve Niger. Un exploit qu’il immortalise avec une caméra 16 mm d’occasion. Jean Rouch a 30 ans, il n’a jamais filmé de sa vie.
A son retour, la moitié des images sont inutilisables. Seules montrables, une scène de danse rituelle et une scène de chasse à l’hippopotame.
Intégré aux « Actualités françaises » à la façon d’un documentaire colonial, « son » premier film (le montage et le commentaire lui ont échappé) sort en salle affublé d’un titre vendeur, « Au pays des mages noirs ». L’effet dramatique est assuré, la vérité bafouée et le jeune Rouch, effaré. (Voir la vidéo)

Mais déjà, son « indiscutable œil de filmeur », comme le qualifie le critique cinéma Antoine de Baecque, est àa. Caméra légère à l’épaule, il vient d’inventer « un nouveau type de film », au plus près des corps, en prise directe avec la vie.
Jean Rouch réalisera plus de 70 films sur le Niger, faisant de ce pays sa « famille artistique et émotionnelle », comme il le confiera à Nicolas Michel dans le magazine Jeune Afrique en 2004.

« L’extraordinaire génie comique » de Jean Rouch, salué par Rohmer

Une famille qu’il mettra à contribution à chaque occasion, comme en témoigne un film méconnu, « VW Voyou », conçu en 1974 pour promouvoir la coccinelle Volkswagen en Afrique. Si, en définitive, le film ne sortit pas, il témoigne de « l’extraordinaire génie comique » de Jean Rouch, salué par Eric Rohmer (dans un entretien publié par Libération, en 2004).

Un talent que Damouré Zika, son « double africain », son ami et acteur fétiche, incarne avec bonheur. (Voir la vidéo)

C’est dans le paysage tant rêvé de Bandiagara, au Mali que Jean Rouch réalisera, en 1950, son premier film en couleurs, « Cimetières dans la falaise ». En 1956, c’est dans ces mêmes « villages accrochés comme des nids d’aigle au flanc de la falaise vertigineuse » du pays dogon (comme les décrit Marcel Griaule dans le commentaire d’« Au pays des Dogons »), que François di Dio filmera les « Funérailles dogon du professeur Marcel Griaule ».

Le maître de Jean Rouch enterré symboliquement en pays dogon

La dépouille du maître de Jean Rouch est restée en France mais les dogons, qui estiment avoir « perdu un ami, un frère », explique François di Dio, veulent l’enterrer symboliquement. Un fait sans précédent.

Autre film unique, « Sigui synthèse ». Réalisé au Mali de 1966 à 1973, il retrace la « course vagabonde » de village en village, du « sigui ». Un rituel funéraire, qui règle minutieusement les rapports des vivants et des morts, et que les Dogons commémorent tous les soixante ans, selon un scénario immuable étalé sur sept ans.

Rouch, homme rayonnant de passion, et une des plus belle voix du siècle

Et c’est là que les compléments offert par le DVD se révèlent indispensables. « Enigme de Sirius » d’abord, à visionner avant si l’on ignore tout de la cosmogonie dogon ! « Rouch raconte les Sigui » ensuite, pour le plaisir de voir un homme rayonnant de passion et de curiosité, doté d »« une des plus belles voix du siècle », selon le critique Serge Daney, nous raconter ce périple singulier.
En février 2004, suite à la disparition de Jean Rouch, le photographe et cinéaste Raymond Depardon se confiait au journal Libération en ces termes :

« Il a sans doute été un passeur, qui a changé notre regard sur l’Afrique. Il nous a sorti du colonialisme puis du post colonialisme… »

A l’heure où « La Ferme Célébrité » consacre le retour de la « télé banania », il semblerait que l’œuvre de Jean Rouch ait malheureusement échappé à quelques-uns. Consolons-nous, ces films majeurs, souvent rares, sont aujourd’hui accessibles.

Hortense Volle