Pour illustrer la façon décevante dont les relations les plus anciennes et les plus fraternelles peuvent parfois se diluer avec le temps, je choisis de publier, en couverture de cette rubrique, le poème ci-dessous.
Comprenne qui voudra… comme aurait écrit Paul Eluard !
Plaisir, 30 mars 2024
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Pour une fois que je vous écris
Anne, ma sœur Anne, je ne vous ai point oubliée.
Et comme elle est loin cette photo de notre enfance
Où vous vous teniez droite à côté de petit Nel et moi
Devant ce parc zoologique de Hann qui fait peine à voir.
Qu’est donc un zoo où tous les vrais animaux sont morts
Sinon un vieillard sans mémoire et sans rires d’enfants ?
Enfants, nous étions donc et cette époque est douce
A mon cœur, un peu comme un paradis perdu.
Car après il y a eu la vie, la dure et difficile vie,
Mais la vie que j’avais pourtant librement choisie.
Et je revendiquerai toujours la liberté de ce choix
Qui me faisait sortir à la dérobée de notre adolescence.
Et puis je vous retrouvai ma sœur Anne, cet été,
A un tournant important pour l’homme de cette même vie.
J’allais à mon tour donner la vie, mettre au monde
Un enfant qui serait de ma vie, qui est déjà toute ma vie.
CHRISTOPHER est son nom ! Je l’ai voulu noble conquérant
De mon ghetto de misère, Lord de mes suppliques bleues.
Il est venu et, en ce 22 septembre béni, avec Brassens
Moi aussi j’ai crié : « Aujourd’hui, je m’en fous ! »
Que m’importaient désormais mes soucis d’argent
Dans cette France-la-crise où, telle la cigale de la fable
Eté comme hiver, je me trouvais toujours dépourvu.
Mais il n’y a pas que dans les usines que l’on licencie !
Licencié, on l’est aussi heureusement dans les Universités
Cela prend du temps quand on n’a pas beaucoup d’argent
Mais, avec du travail, on finit toujours par passer le cap.
J’espère pouvoir vous demander, à nos retrouvailles prochaines,
« Appelez-moi donc, tout simplement : Mon cher Maître ! »
Je vous souhaite, en savante médecine, une bonne année 1978 !
Roubaix, janvier 1978