Je souhaite réagir ce matin à une chaîne que Soad a reçue d’un ami de La Réunion. Elle s’intitule « Famille, lieu de pardon » et serait une homélie prononcée par l’actuel Pape François au cours d’une retraite. Il aurait lui-même demandé de diffuser cette homélie à toutes les familles de notre connaissance.
« Il n’y a pas de famille parfaite. Nous n’avons pas de parents parfaits, nous ne sommes pas parfaits, nous n’épousons pas une personne parfaite et nous n’avons pas d’enfants parfaits. On se plaint les uns des autres, on se déçoit. Par conséquent, il n’y a pas de mariage sain ou de famille saine sans l’exercice du pardon. Le pardon est vital pour notre santé émotionnelle et notre survie spirituelle. Sans pardon, la famille devient une arène de conflit et un bastion de douleur. Sans pardon, la famille tombe malade. Le pardon est l’asepsie de l’âme, la purification de l’esprit et le sac du cœur. Celui qui ne pardonne pas n’a ni paix de l’âme ni communion avec Dieu, la douleur est un poison qui enivre et tue. Maintenir la douleur dans le cœur est autodestructeur. C’est l’autophagie. Celui qui ne pardonne pas tombe malade physiquement, émotionnellement et spirituellement. Et c’est pourquoi la famille doit être un lieu de vie et non de mort : le territoire du traitement et non de la maladie ; le scénario du pardon et de l’absence de culpabilité. Le pardon apporte de la joie là où la douleur a produit de la tristesse, où la douleur a causé la maladie. »
Le matin, le petit-déjeuner est le moment privilégié où Soad et moi avons nos grandes conversations philosophiques, un moyen salutaire de bien débuter notre journée. Et, à propos du message ci-dessus, voici ce que je lui ai confié en substance, ce matin même :
- Je suis résolument contre le principe des chaînes. C’est prendre les gens pour des débiles en les privant, d’entrée, de leur libre arbitre, précisément de leur liberté de penser. A mon âge, même si je respecte en bon catholique l’autorité du Pape, je considère que je n’ai pas besoin, dans ma vie de tous les jours, d’un père spirituel qui va continuer de me tenir la main jusqu’à ma mort. La preuve ? Lui-même peut mourir avant moi ! Il me faudrait alors trouver un autre tuteur ? Comme on dit, en bon anglais, endless story!
- Certes, il n’y pas de famille parfaite, sinon on n’entendrait pas parler tous les jours de ces cas d’inceste, de viol (cf. l’affaire Pelicot), d’infanticide, d’abandon parental, de déchéance de paternité, etc. qui sont souvent insoutenables à lire, à voir ou à entendre. Faudrait-il alors systématiquement pratiquer le pardon à l’égard de personnes que même la loi considère comme des monstres véritables, au point de décider, à présent qu’il n’y a plus la peine de mort, de les mettre pour longtemps hors d’état de nuire ?
- J’ai beau être chrétien, je m’insurge vigoureusement contre la préconisation de « tendre la joue gauche », une référence directe à la Bible dans laquelle Jésus, selon Matthieu1 , déclare que, face à une humiliation, il faut tendre l’autre joue. Concrètement, cela signifierait qu’il ne faut pas répondre à la violence par la violence. Depuis mon enfance, j’ai pu expérimenter la vanité d’une telle recommandation. Je peux pardonner, certes, mais je n’oublie jamais le mal qu’on m’a fait. Se laisser faire par ses bourreaux n’est nullement leur rendre service. C’est leur conférer au contraire plus de hardiesse dans la surenchère. En ce qui me concerne, je n’ai pu mettre fin aux exactions des petits camarades d’école qui s’amusaient à m’humilier, en groupe, qu’en leur cassant, séparément, la gueule et en leur faisant rendre irrémédiablement gorge. A bientôt 72 ans, je peux donc me targuer d’avoir du métier en la matière.
Je déclare simplement que, toute ma vie durant, je n’ai jamais agressé unilatéralement personne, que ce soit en actions ou en paroles. Pour qui est de mes pensées, je les ai longtemps réservées à mes seuls confesseurs afin de solliciter leur pardon, au nom de Dieu. En grandissant, quand j’ai constaté comment certains de ces derniers se comportaient (pédophilie ; séduction de femmes, même mariées ; injustices caractérisées ; vexations notoires, etc.), j’ai décidé de ne plus jamais me confesser. C’était en 1967 ; j’avais 14 ans et je venais de passer mon B.E.P.C. ; il y a donc un siècle, une éternité ! J’espère simplement que, à l’heure dernière, Dieu, s’il existe, saura reconnaître les siens.
Bonne semaine !
Plaisir, 25 mars 2025
1. Matthieu 5:38-48 où l’apôtre s’élève contre le fameux « Oeil pour oeil et dent pour dent ».