Célébration d’anniversaires

      Extrait de « Se coucher moins bête » : Au Bhoutan, la plupart des habitants ne célèbrent pas leur anniversaire, et beaucoup n’en connaissent même pas la date. Celle-ci ne revêt pas une grande importance : l’essentiel est de mener une vie heureuse. Les Bhoutanais « vieillissent » ainsi tous ensemble, le 1er janvier de chaque année.

      Cet extrait m’a fait réfléchir sur le sens que nous accordons, dans nos sociétés occidentales, à la célébration des anniversaires. Mais en quoi un jour doit-il être plus spécial qu’un autre dans le reste de nos existences ? En quoi et surtout pourquoi ?

     Hier, 19 juin, était l’anniversaire de Soad. En compagnie de bons voisins, nous l’avons fêté en toute simplicité, en fin d’après-midi, autour d’un excellent gâteau commandé depuis la veille chez Bourdon, le pâtissier bien connu de la place d’Audierne. Inutile de préciser que du Boizel, le seul champagne que je bois chez moi depuis que je l’ai découvert, ce champagne qu’appréciait déjà Alfred Hitchcock, a amplement rempli quelques coupes. Ce fut un moment de convivialité et de partage.

     Demain, 21 juin, jour de l’été et fête de la musique, sera mon anniversaire à moi, celui de mes 71 ans. C’est parce que j’ai décidé de ne pas le célébrer que je diffuse le présent message qui s’adresse essentiellement à mes proches et à mes amis. Demain, mon portable sera coupé comme j’ai déjà eu l’occasion de le faire l’an dernier, en deux occasions précises où Soad était en voyage au Caire : le 21 juin et le 25 décembre 2023 ! Non seulement mon portable était éteint, mais j’ai également gardé les volets de ma maison de Pont-Croix obstinément clos. Plutôt que de recevoir des visites ou des coups de fil, j’ai préféré consacrer ces deux journées à la méditation dont Soad m’a fait découvrir la bénéfique pratique depuis les 27 années que nous vivons ensemble.

     Comme les habitants du Bouthan, j’ai décidé de ne plus célébrer désormais mes anniversaires ; chaque jour qui se lève et que j’ai la chance de vivre est un cadeau de Dieu. 

     Lorsque je suis dans ma résidence de Pont-Croix, j’ai coutume de descendre au jardin, tous les matins, peu importe le temps qu’il fait. Je vais m’y recueillir un moment devant la petite niche de Sainte-Anne d’Auray qui s’y trouve. Cette sculpture m’a été offerte par Anne-Marie Delhumeau, la vieille dame qui m’a vendu la propriété en mai 2009. Elle pensait l’avoir égarée. Lorsque je l’ai retrouvée en faisant le tri des quelques affaires qu’elle avait volontairement laissées dans l’appentis attenant au garage et que je le lui ai signalé, elle m’a simplement dit que c’était bien le signe que cette statue devait me revenir. Elle m’a juste prié de lui faire retrouver sa petite grotte au plus vite, ce qui a été aussitôt fait. Sainte-Anne d’Auray veille donc sur ma maison, que j’y sois ou non. Depuis que j’ai rapatrié mes deux motos de collection en Finistère, j’ai néanmoins fait poser en plus un système sophistiqué d’alarme que je peux contrôler et piloter à distance. Même s’il n’y a que la foi qui sauve, on n’est jamais assez prudent car, selon l’adage bien connu, il vaut mieux prévenir que guérir.

     Lorsque je séjourne à Plaisir, la pièce où je passe le plus de temps est mon petit bureau. J’y ai écrit la plupart de mes livres. Et, bien installé devant mon ordinateur, ce n’est plus Sainte-Anne d’Auray qui veille sur moi, mais trois femmes défuntes, trois femmes puissantes que j’appelle mes Amazones : ma grand-mère maternelle Nanan, morte en 2005 à l’âge de 101 ans ; ma mère Véronique, décédée en 2016 à 86 ans ; sa jeune soeur Anne dont j’ai toujours admiré la vaillance, disparue en 2009 à l’âge de 73 ans. Leurs photos me protègent sur tous les côtés : ma tante Anne défend mon flanc gauche ; ma grand-mère Nanan surveille mon flanc droit ; ma mère, à elle seule, veille à la fois sur mes avants et mes arrières. Je suis tranquille ; je peux travailler en paix !

     Je veux donc donc, dès demain, célébrer chaque jour nouveau comme un anniversaire. Plus besoin d’attendre un 21 juin pour ce faire. Je tiens néanmoins à remercier d’avance tous ceux de vous qui auront une petite pensée pour moi, avec du soleil et de la musique au coeur.

JE VOUS AIME !

     Pont-Croix, 20 juin 2024