Une journée ordinaire
Il s’agit de la mienne, celle d’un commandant retraité de la Police nationale française, et non celle d’Ivan Denissovitch (1). J’ai choisi de vous conter par le menu ma journée du vendredi 8 février 2013.
6h30 : Réveil
7h15 : Petit-déjeuner préparé par Soad ; le plus souvent, c’est moi qui m’y attèle.
8h00 : Au garage Citroën des Clayes-sous-Bois pour la révision des 60.000 kms de notre C4.
8h30 : Trajet en bus jusqu’à la gare voisine de Villepreux.
8h45 : Train omnibus pour Paris-Montparnasse.
9h20 : Arrivée à Paris.
Comme j’ai une bonne demi-heure à tuer avant ma séance de ciné prévue à 10 heures à l’UGC Montparnasse, je vais me recueillir en l’église Notre-Dame-des-Champs. C’est dans cette même église que je me suis marié le 2 août 1976. Je ne me dis plus que j’aurais mieux fait de me casser une patte ce jour-là ; cela ne servirait à rien de brûler ce que j’ai adoré. Comme c’est devenu chez moi une habitude, je préfère penser tout simplement aux personnes qui étaient présentes à la cérémonie et qui aujourd’hui ne sont plus. Et je réalise que, en dépit de tous mes déboires, j’ai la chance d’être encore en vie et de jouir d’une bonne santé.
10h00 : Début du film Gangster Squad avec Josh Brolin, Emma Stone, Giovanni Ribisi, Ryan Gosling et un Sean Penn absolument fabuleux. Avec ma carte UGC illimité pour deux, je préfère voir seul ce genre de films policiers que Soad ne goûte pas particulièrement. L’action se déroule dans le Los Angeles des années 40 à 50. Soad, qui a vécu et travaillé durant six années dans cette ville, aurait sûrement trouvé dans le scénario des références éclairantes. En tout cas, moi, j’ai bien aimé.
11h50 : Dans le métro, ligne 4, direction Porte de Clignancourt.
12h00 : Je descends à la station « Châtelet ».
J’ai rendez-vous avec mon ami Simon Templar, à 12h30, dans un bar à tapas (2), « Les Piétons », situé au 8, rue des Lombards, côté 4ème. En remontant le boulevard de Sébastopol, je réalise que je n’ai jamais pris le temps de bien découvrir ce coin de Paris où j’ai pourtant sévi pendant plus de quatre années, d’abord comme officier de brigade, ensuite comme Principal technique chargé de faire tourner la police du 1er arrondissement au quotidien. C’est que tout m’y rappelait le travail et, dès que j’en avais terminé, je n’avais qu’une hâte : rejoindre mon pavillon de banlieue.
Avec Simon, nous déjeunons de bon appétit et pour une somme fort modique (12,50 € par personne, verre de sangria compris). Nous faisons ensuite un tour à pied dans le quartier, en passant sur le parvis de Beaubourg et en marquant une halte en l’église Saint-Merri. Simon m’emmène ensuite voir son bureau à la BRB (3), dans l’île de la Cité.
14h15 : De nouveau dans le métro, ligne 4, direction Porte d’Orléans.
14h50 : Dans le train de Mantes-la-Jolie, avec arrêt prévu à Villepreux.
15h25 : Arrivée à Villepreux.
Il me faudra dix bonnes minutes de marche rapide pour rejoindre le garage Citroën aux Clayes. Cette marche est de plus handicapée par les divers travaux de construction qui jalonnent le parcours et m’obligent fréquemment à changer de trottoir. Les villes appartiennent de moins en moins aux piétons pour être livrées aux diktats des automobilistes. C’est pourquoi je salue personnellement l’initiative du maire de Paris d’interdire, à partir de ce 11 février 2013, la partie des quais rive gauche comprise entre le Pont Royal et celui de l’Alma, soit 2,3 kms de liberté prochainement promise à la gent pédestre.
Au garage, je récupère mon véhicule ainsi que la douloureuse : la facture de la révision se monte exactement à 626,82 € ! En dehors du remplacement des plaquettes de frein avant qui y figure pour 159,93 € (dont 43,06 € de main d’œuvre), le reste des prestations obéit au barème. Vive donc le barème ! Et que l’on ne se demande plus pourquoi les voitures françaises se vendent de moins en moins.
16h00 : Retour à la maison. Consultation de mes mails et repos.
19h30 : Dîner
20h30 : Départ pour le Théâtre Espace Coluche de Plaisir.
Soad et moi allons voir Tapage en coulisses de Michael Frayn (4) avec, parmi les comédiens les plus connus, Isabelle de Botton et Patrick Raynal. C’est une pièce délirante sur l’envers du décor d’une troupe en tournée. Il n’y a effectivement pas de temps mort et, surtout, nous avons bien ri.
23h00 : Fin de ma journée ordinaire et au dodo !
Conclusion : Je ne suis pas un adepte de la langue de bois ni de la méthode Coué (5). Lorsque je déclare que je suis un homme heureux, je le pense sincèrement. En dépit des circonstances, je considère que la vie ne s’est pas trop acharnée sur moi et j’ai du plaisir à pouvoir en jouir tous les jours, notamment depuis bientôt cinq ans que je suis à la retraite. God bless!
Plaisir, 13 février 2013
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(1) « Une journée d’Ivan Denissovitch », livre culte d’Alexandre Soljenitsyne, paru le 18 novembre 1962.
(2) Comme me le déclare souvent mon ami Manolo, il ne faut pas confondre « bar à tapas » et « bar à putas ». Qu’on se le dise !
(3) : « BRB » pour « Brigade de Répression du Banditisme ».
(4) Le titre original en anglais est Noises Off.
(5) Si la méthode Coué devait se réduire à une recette, ce serait celle-ci : Tous les jours au réveil et tous les soirs, répétez la phrase suivante : « Tous les jours, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux ».